Un ver à soie génétiquement modifié ! C’est ce que des chercheurs ont mis au point pour produire une soie d’une résistance exceptionnelle, proche de celle des toiles d’araignée. Et pour cause : ils ont inséré les gènes responsables de la synthèse des fibres de soie chez l’araignée dans le génome d’une larve du bombyx du mûrier.
La soie d’araignée, dont les secrets avaient révélés il y a quelques mois par une équipe de chercheurs allemands, est une fibre extrêmement résistante. Bien davantage que le Kevlar, pour des densités plus faibles que le nylon ou le coton. Mais en produire en grande quantité est un défi qui n’a pas encore été relevé par les scientifiques.
Les araignées sont en effet incapables de vivre en élevage : elles sont territoriales et passent un grande partie de leur temps à se battre voire se dévorer et la production de soie chute drastiquement. En revanche, l’élevage des vers à soie est extrêmement simple et déjà fortement développé. Leur soie est cependant de moins bonne qualité.
La transgénèse au service de l’industrie
Que faire ? La génétique permet de prélever les gènes impliqués dans la synthèse des protéines de la soie chez les araignées et de l’introduire à l’intérieur du génome des chenilles. Ainsi, on obtient des organismes génétiquement modifiés capables de fabriquer des fibres plus résistantes, de meilleure qualité.
C’est exactement ce qu’ont réalisé des chercheurs chinois et américains des universités du Wyoming, Notre-Dame et de Zhejiang. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue Pnas. Pour cela, ils ont employé un morceau d’ADN facilement transposable à l’intérieur d’un génome étranger (un transposon), très utilisé pour transgénèse : le piggyBac. Ce fragment d’ADN, identifié par un des auteurs de la publication dans les années 1980, permet de facilement extraire un gène d’un organisme puis de l’insérer au sein d’un autre.
Ainsi, les chercheurs ont prélevé les gènes responsables de la synthèse de la soie chez l’araignée et les ont introduits au sein du génome du ver, au niveau des glandes séricigènes (qui produisent la soie). Gadget supplémentaire, ils ont également inséré un gène qui confère des yeux rouges aux chenilles génétiquement modifiées afin de pouvoir les reconnaître.
Grâce à cela, ils ont pu obtenir une soie plus robuste. Certes, elle est encore majoritairement composée de fibres de la chenille, mais elle en contient de 2 à 5 % d’origine arachnéenne. Assez pour que les propriétés mécaniques changent : elle est ainsi plus élastique et plus résistante.
D’autres chercheurs étaient déjà parvenus à produire une soie hybride, les fibres de l’araignée et celles du ver n’étaient pas entremêlées. Les premières entouraient les secondes et lors de la récolte des cocons, elles n’étaient pas gardées. Dans ce travail international, toutes les fibres sont entremêlées.
Des applications en médecine reconstructive sont envisagées : ligament, suture, etc. Une matière si résistante et élastique pourrait aussi remplacer certains plastiques.